Quelque part, en Terres Chevelues…
C’était une de ces nuits où l’on était content d’être à l’intérieur, au sec près d’un bon feu. Dehors la pluie tombait à grosses gouttes, et tout le village avait gagné la grande salle commune. Le foyer avait été placé dans une légère fosse, creusée dans le sol de terre battue. Des fourrures avait été disposées contre les rebords, servant ainsi de bancs ou de reposoirs à l’assistance. Chacun vaquait d’un ami à un parent, passant d’un groupe à un autre. Deux vieilles maniaient dans un coin des aiguilles en os, reprisant un vieux manteau de cuir ; ailleurs plusieurs hommes du clan s’étaient assis en cercle et discutaient du temps. Un groupe de jeunes filles regardait en pouffant un des jeunes hommes de l’assemblée, tandis qu’un garçonnet courait tout autour de la salle, brandissant en trophée la poupée d’une petite fille. Celle-ci, peu impressionnée, la poursuivait avec un vieille louche ébréchée.
Le craquement assourdissant du tonnerre fit sursauter tout le monde. La porte s’ouvrit avec force, dévoilant la sombre silhouette d’un visiteur.
Il y eut un moment de flottement dans l’assistance. L’homme ôta son lourd manteau d’un geste vif, faisant cascader l’eau sur le sol. Son bras gauche tenait serré contre sa poitrine une harpe.
A la vue de l’instrument les enfants se mirent à piailler de joie, tandis que les guerriers du clan se détendaient à la vue de l’inconnu. Le couple doyen du village se leva pour l’accueillir.
- Sois bienvenu auprès de notre feu, étranger. Tu auras le pain et le toit, selon les anciennes traditions. Quelles nouvelles nous apportes-tu du monde ?
- Qu’il est encore hospitalier, tant qu’il y aura de braves gens comme vous. Mais rassurez-vous, j’apporte aussi avec moi assez de contes, de sagas, de poèmes et de leçons pour remplir votre soirée et bien d’autres encore.
L’assistance toute entière fixait l’étranger.
- Je m’appelle Endalin Ald Galen Domenil, élève des maîtres bardes de l’Ancienne, et voix du monde. J’ai dans ma besace de quoi faire trembler, rire ou pleurer ; d’apporter gloire ou honte éternelle. Quelle histoire, mes amis, souhaitez-vous entendre ce soir ?
La petite fille à la louche s’avança, laissant traîner son arme par terre.
- Moi je veux une histoire d’amour ! lança t’elle.
Un jeune homme au port fier héla à son tour le barde.
- Je préférerai une histoire de guerre, dit-il avec une moue boudeuse.
Un vieil homme impotent, plié dans une chaise, redressa la tête.
- Que les jeunes laissent la guerre où elle est ! Estimé barde, voix du monde, je veux entendre parler de quelqu’un qui a trouvé la paix…
Un homme fait, aux longues tresses et portant un poignard ouvragé au flanc, sortit à son tour du cercle.
- Endalin, voix du monde, donnes-nous une histoire vraie.
Le barde se caressa le menton, l’air méditatif. L’audience attendait maintenant sa réponse avec impatience. Le silence dura. Puis le voyageur ramena une de ses longues tresses blondes derrière son épaule avant de reprendre, l’air satisfait :
- Vous aurez tout cela en même temps, et même plus encore ! Car je vais vous conter une histoire vraie, qui prend ses racines dans la plus grande guerre que nos braves ait mené. L’amour y a bien sûr sa part, et de son côté la paix a tardé à venir, empruntant un chemin détourné…Voici, mes amis, la triste histoire du trésor de Galobel…