Nous étions deux enfants baignés par la lumière divine de Lug,nos mains carressant l'or des blés.Sous nos doigts s'en vont choir les fragiles pétales de coquelicots et à chacun de nos rires, éclate dans le ciel une nuée d'oiseaux noirs.
Derrière les mirages ardents de ce soleil d'été,la silhouette miroitante de mon père, au loin.Ses doigts puissants frottant nos petites têtes,nous allègeons son labeur.Je me souviens encore des volutes d'avoine et des graines déposées par le vent dans les boucles de nos cheveux .
Toi et moi,inconscients,heureux,et l'orage naissant.Des miettes de galettes collées à nos lèvres nacrées,nous détallons dès lors que rosissent les nimbes,poussés par le grondement du tonnerre.Nous voici, petits corps frêles fouettés par la pluie,nos bouches ouvertes sous l'averse.
Ces jours passés à nous ébrouer dans la rivière,les genoux écorchés par nos excursions et nos jeux dans la forêt.J'entend ton appel dans la nuit pour s'en aller ,en secret ,gambader autour des pierres sacrées,émerveillés par l'abside blanche et bienveillante d'un quartier de lune.
Nous grandissons sous la protection d'Ogma.Samain approche.Je vois,épinglée sur ton vêtement ,ma fibule favorite.Il y avait cette hermine blanche que je trouvais si belle.Je t'avais déposé ce bijou dans le creux de la main en remerciement de sa capture.A jamais imprégné en mon âme,ton regard,deux perles noires emplies d'un amour éthéré.L'envie coupable d'un baiser nous étreint.
L'innocence perdue sous les premières caresses.Les grillons chantent doucement nos confidences.J'effleure ce torque autour de ton cou.Nous aimons nous allonger là, au pied d'un chêne,abrités par ses frondaisons, gardiennes de nos délices amoureux.J'invoque Cernunnos.Puisse t-il me rendre féconde.
Je t'appartiens enfin et en mon sein croît cette petite vie tant espérée.Aurore bénie que celle qui m'offre le spectacle de vos sublimes visages ,la félicité de cette présence dans ma couche.Folie d'une guerre immonde qui m'arrache brusquement ce bonheur ineffable.Un soir,sous les brumes rampantes,un fils a perdu son père à jamais, lors d'une ultime bataille.
Ecoutes-tu mes pleurs, par delà l'Autre-Monde?Je murmure inlassablement ton nom,j'invoque les Dieux.Je ne fais que survivre en affûtant la lame de ton épée.Nôtre enfant sera bientôt un homme et,sauvage, superbe,il la brandira! Mais je chevaucherai au devant de lui car j'attend de pouvoir ,à mon tour,entendre ton cri ô Morrigan et retrouver cet amour perdu dans le Tir Na Mbeo !