Ombre lascive imprécise et sans âge, tu es là, parée de ta robe d'éternité aux reflets mille fois contemplés par la foule sans fin de ces amants que tu as choisis. Tu es belle et froide, comme une gemme taillée dans l'obsidienne intemporelle du flot évanescent de la vie. Caressante et mystique, tes secrets sont les archives tirées d'arcanes qu'aucun regard n'a jamais contemplé. Tes yeux de jade et de rubis sont le miroir d'existences passées, mais aussi de destins prodigieux et de tragédies divines aux acteurs changeants, aux trames mouvantes.
O déesse sans âge, prêtresse des nantis et sorcière maudite de cette multitude ignorante, comme j'admire ta grâce. Ta chaleur est un glacier aux bouquet d'émotions partagées, peine pour certains, réconfort pour d'autres… Ta violence n'est pas si effroyable qu'il n'y paraît, lorsque dans un accès de colère soudaine, avec noblesse tu emportes ce bétail humain vers les rives de ce fleuve sans fin. Le froid qui accompagne le battement alangui de tes ailes est une douce brise purificatrice, un vent d'Hyperborée évaporant les nuées méphitiques d'une existence où l'on s'égare sans réel but. Quelle puissance t'anime pour que depuis la création, jamais sans prendre de repos, tu accordes le passage à ces hommes et ces femmes qui pourtant te craignent. Tu es haïe, tu es aimée, on t'adore et inlassablement sans te préoccuper d'états d'esprit nébuleux, tu œuvres.
O déesse de la nuit, prêtresse des astres sans jour ni nuit, comme j'admire ta puissance, comme j'honore ta patience ! Tes reptations félines et débridées te font te glisser dans chaque foyer, te lover contre ces corps que tu as choisis, les aimer, les enlacer puis les emporter… Tu es lame et sang, corps et fièvre, amour et tristesse, joie et plénitude. Tu es magnifique et laide, esprit et entité, plénitude et absence, tu lasses et enlaces, égorges, noies et étouffes, tu es temps et néant.
O amante éternelle aux contorsions divines et sans desseins avoués, que ta blancheur est pure, que ta noirceur est fuie… O reine de la nuit et souveraine de l'abandon, accepte ma prière et mon chant, que ce lai t'honore comme il se doit, car sans toi nous serions immortels, sans toi il n'y aurait que la vie, éternelle et lassante.